Demain, lorsque les premiers rayons lumineux jailliront de l'horizon lointain, je cesserai de me cacher. J'irai par delà les chemins forestiers, et les sentiers baignant encore dans la fraîche rosée matinale.
- Marcherai-je longtemps ? Je ne sais. - Ce n'est qu'une fois parvenu au centre d'une clairière que je cesserai mon parcours, pour enfin redécouvrir, tout autour de mon corps, épuisé avant l'heure, ce qu'était vraiment la vie.
A mes pieds, il y aura sans doute des touffes d'herbes, des pétales de fleurs de cerisiers, tout juste tombées de leurs branches renaissantes., se confondant par un réalisme saisissant avec une couche de neige. Je m'y assiérai. Je voudrai juste saisir quelques unes de ces pétales, et sentir, au creux de ma paume, ces souffles de vie imperceptibles - qui jamais plus n'émaneront avec une telle intensité de mon âme. Je voudrai ressentir, la beauté de ces paysages trop vite oubliés, et l'étendue des régions qui furent autrefois miennes, et la perfection inégalable de la nature et d'un monde que j'ai moi-même blessé.
Oui, tout cela, je le ressentirai, et je m'émeuvrai peut-être. M'attendrissant alors, regrettant alors cette vie passée dans le silence de mes cachettes, et dans le tumulte des champs de bataille, dans la froideur de mon palais de catacombes, et dans le feu de mes guerres, une larme pointera au coin de mon oeil vitreux, dernier signe perceptible de mon existence ; et,
lecteur des quarante-huit livres de mon maître, je te le dis : c'est au milieu de ces feuilles, en signe de repentance éternelle envers notre mère, mais aussi envers toi et tes racines, plus profondément enracinées que les miennes, que je reposerai désormais.