Mais c'est quoi le Tagala à popo les plumettes ?

Le Salut.

Je m'attendais, la semaine dernière, à cette objection : dans Naruto, la répétition du mot "génie" n'est-elle pas un simple effet de traduction ? A l'aveuglette : "Tensai" et "Shunsai" (deux termes japonais qui renvoient l'un et l'autre à l'idée de "génie") ne nuancent-ils pas les sens que je soupçonnais Kishomoto de confondre ? Je n'étais sûr de rien ; face à cette oeuvre étrangère, je suis condamné à m'égarer.

Nous lisons une oeuvre exotique. Une partie du charme de Naruto vient de son étrangeté : sons bizarres et nouveaux paysages composent une poésie inédite et séduisante. Je me promène parmi les "Kagebushin no jutsu !" et les "Gamaguchi Shibari" ; je croise un renard à neuf queues qui devise avec un Cyrano ailé et barbu. Tout va bien.

Nous avançons dans une forêt de signes étranges et illisibles. En chemins, certains nous proposent des cartes ; ce sont les "théories". Il y a la théorie des Tengus, celle du Kitsune, celle du Trimurti et tant d'autres encore. Elles ont, aujourd'hui, une importante actualité.

Les grandes théories de Naruto sont d'abord des dictionnaires : elles traduisent un monde déroutant, nous rendent compréhensibles ses symboles les plus farfelus. La mythologie japonaise est leur matériau privilégié. Elles tentent de familiariser l'exotique. Ce n'est pas tout. Elles ont encore un autre objectif, plus périlleux : ces théories rêvent de trouver une loi à cet univers étranger, si absolue qu'il en deviendrait prévisible.

Comme dictionnaires, elles sont passionnantes. Mais, trop vite, elles voient dans leurs découvertes le début d'un système compliqué et mystérieux. Il y a comme une faute de raisonnement, un syllogisme bizarre : d'une ressemblance entre le manga et la mythologie, la théorie fait une règle générale, raide et systématique.

La mythologie ou l'Histoire japonaise sont des imaginaires souples ; les sources d'inspiration de Naruto ne sont pas les clefs d'un code secret mais simplement l'arrière-plan (symbolique) de l'aventure ; non pas ce qui détermine le cours de l'histoire mais ce qui l'accompagne et l'enrichit. Tous les héros au pied fragile ne mourront pas devant Troie, comme tous les amis des corbeaux ne sont pas prédestinés à tuer leur frère.

Chaque roman occidental entretient d'une manière ou d'une autre un lien avec la mythologie gréco-latine mais en quoi celle-ci nous aide-t-elle à anticiper le cours de son récit ? Parce qu'elles voient un indice mystérieux et crypté là où il n'y a que le signe d'une appartenance culturelle, ces théories me semblent condamnées à se planter. Et elles se plantent, en effet.

Pour autant, elles restent précieuses : par désir de savoir, elles transforment un petit ninja blond en ambassadeur culturel, à la fois historien et mythologue. Pour nous, elles ouvrent le Kojiki, elles affrontent le kanji no jutsu. Bref, elles demandent des comptes au Tagala a popo les plumettes.

Le Vieux.

Le no sms.

La chronique est une invitation à exercer notre curiosité. Elle prétend faire de Naruto un prétexte à la discussion et à la découverte. Ce sont des prolongements que vous lui donnez et les corrections que vous lui apportez qui donnent à la chronique sa véritable valeur.
=> Aller sur le forum

Où l'on trouve sur le forum quelques théories sur Naruto (merci à Ambrosia) :
=> Deci et delà
Où Jsp explore les liens entre mythologie et manga (les Bijuus) :
=> Par ici
Où la théorie (un peu bancale) des Tengus est présentée :
=> Par là
Où l'on se dit que la théorie de Kitsune tient la route (pour l'instant) :
=> Ici
Où l'on répond à la question c'est quoi le Kojiki et où l'on donne un aperçu sérieux :
=> Suivez le lapin blanc
Où un Monsieur courageux a traduit le Kojiki (mais en anglais) :
=> Follow the white rabbit
Où l'on parle mythologie japonaise (shinto et bouddhiste), en vrac :
=> Clique ou clique