Regarde-moi.

Dès le début, nos vies allaient dans deux sens contraires. Je savais que l'un viendrait à l'autre pour mettre fin au drame que nous jouons depuis trente-trois ans. Je sais que quelque part, dans un endroit où il y a moins de ténèbres que dans mon coeur rigide, toute notre histoire était déjà écrite.

"Un jour, nous nous rencontrerons à nouveau" m'avais-tu dit en rêve. C'était prémonitoire. Je sais que le jour, le moment fatidique se rapprochent. Je sais qu'un jour brumeux d'avril, le vingt-troisième de la lune de ce mois, tout prendra fin. Et le monde, par l'intermédiaire d'un petit livre blanc et noir, apprendra le malheur que représentent nos deux existences.

Je t'aperçois venant à moi sous la pluie battante, longeant les canalisations percées, bravant le danger. Tu sais que dans quelques instants tout s'évanouira pour nous, que la balance du destin désignera lequel d'entre nous doit vivre, lequel est l'élu, avant que ne parlent leurs Majestés les lances. Mais moi, je sais de quel côté cette balance s'est inclinée.