Never gonna fall for
                             Modern love - walks beside me
                             Modern love - walks on by
                             Modern love - gets me to the church on time

Le Salut et la bonne année.

1. C’est dur, je sais, mais il faut accepter de regarder la réalité en face : le seul baiser (véritable) que nous ne verrons jamais dans Naruto est celui qu’échangèrent, non sans amour, Naruto et Sasuke. Le Shonen a des contraintes strictes : le désir amoureux ne s’y exprime que de manière pudique, à travers deux séries de figures imposées.

2. D’une part, la romance. La romance, ce sont les intrigues amoureuses. Dans Naruto, elles avancent tout en pudeur, entre hésitations, contretemps et silences. Le sentiment dans notre manga est un véritable chemin de croix. Les différentes intrigues amoureuses sont d’abord le récit de leurs difficultés. Il n’y aura donc pas de baiser car la romance est d’abord l’histoire de ce qui le rend impossible ; une manière d’esquive du désir amoureux.

D’autre part, le gag érotique. C’est la forme outrée et comique du désir amoureux. L’ermite pervers, l’oiroke no justu, la poitrine extravagante de Tsunade sont, chacun à leur manière, des gags érotiques. Par là, le manga nous invite à rire du désir amoureux, à rire plus exactement de sa caricature car le gag érotique n’en présente qu’une forme bouffonne et irréaliste. Le gag érotique est donc, de nouveau, une manière de ne pas aborder le désir, de l’esquiver en l’exagérant.

La romance et le gag érotique décrivent, il me semble, l’ensemble des figures amoureuses possibles du manga de Kishimoto, et peut-être même du Shonen en général : DB, DBZ, Bleach, One Piece, CityHunter etc… se liront sans problème à partir de l’une ou l’autre de ses deux catégories. Au fond, l’amour dans les mangas pour jeunes garçons, ce sera soit Candy soit Tortue Géniale.

3. Et pourtant, on se désintéresserait bien vite de ces histoires à l’eau de rose, on ne rirait pas de ces blagues à deux balles si, par ailleurs, quelque chose de plus sensible mais de plus difficilement exprimable ne nous y attachait. C’est, en fait, entre les figures imposées du gag et de la romance que se trouve l’essentiel du charme ambigu des Shonens.

Le désir amoureux apparaît dans Naruto mais de manière quasi-clandestine : c’est la rougeur d’Hinata ou telle posture de Sakura, le regard inquiet de chaque personnage au moment où l’émotion affleure. Ce qui en fait des signes véritables du désir amoureux, c’est qu’ils unissent sentiments et corps quand la romance et le gag les distinguent – cœur pour l’un et sexe pour l’autre, esquive dans les deux cas. De ce point de vue, la scène de séparation entre Sasuke et Sakura, au terme de la première saison, me semble la plus juste : les corps se frôlent, s’évitent, au rythme des battements de cœur. A la limite, cette chorégraphie vaut un baiser.

4. Elle vaut un baiser mais elle n’en est pas un. Cette nuance dans Naruto rattache notre manga à tout ce qui fait la particularité de l’érotisme au Japon, pays du Lolicon, des Chikan Densha et autres rêves hentai pas toujours kawaï. Quelque chose empêche le baiser, le fétichise. La pudeur japonaise ? La loi ? Ou, est-ce que le baiser, rassemblant en un même effleurement le sentiment et la chair, serait, pour la culture japonaise, trop radicalement et trop directement désir amoureux ? Le baiser comme menace d'une matérialisation trop nue du désir ?

Quoiqu’il en soit, on ne le verra pas dans Naruto. Il restera, comme pour l’ensemble de la société japonaise, objet de fantasme (voir le genre classé X des Dipou Kissou) ; il sera l’objet privilégié des fanfictions. Le manga n’en proposera que des variations pudiques et incomplètes (la rougeur, le gag, la romance) pas davantage, juste de quoi nous en donner l’idée, l’envie peut-être. Ça nous accroche, ça fait de nous des voyeurs hebdomadaires.

Le Vieux.
Le no sms.


La chronique est une invitation à exercer notre curiosité. Elle prétend faire de Naruto un prétexte à la discussion et à la découverte. Ce sont des prolongements que vous lui donnez et les corrections que vous lui apportez qui donnent à la chronique sa véritable valeur.
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